Cadel Evans, BMC : 8,5/10
Sucer, c'est gagner. A force de trainer son lot de tristesse sur les places d'honneur du podium du Tour de France, Cadel Evans a fini par y arriver. Et c'est presque logique. Deux fois second, en 2007 et 2008, l'Australien a su profiter de son année. Les frères Schleck trop timides, Contador moins fort que les années précédentes, le leader de la BMC a pu s'accrocher tranquillement aux roues de ses concurrents sérieux lorsque les cols hors-catégories pointaient le bout de leur nez. Dire que le kangourou est peu spectaculaire est un doux euphémisme, mais il faut rendre à César ce qui lui appartient. Cette année, l'Australien a joint le panache à la stratégie. Vainqueur à Mur de Bretagne, Cadel a pris ses responsabilités lors de l'épopée d'Andy Schleck au Galibier. Impressionnant samedi lors du contre-la-montre à Grenoble, Cadel, à 34 ans, peut envisager l'avenir tranquillement. Il en a terminé avec le spectre de la place du con. Le Poulidor moderne, c'est Andy.
Andy Schleck, Léopard-TREK : 7,5/10
Le Tour d'Andy Schleck a commencé le 21 juillet. Ce jour-là, le Luxembourgeois, aussi costaud qu'inspiré, dépose une bombe à la moitié du col de l'Izoard et dynamite un peloton bien peinard jusque-là. Mais cette étape, sans conteste l'une des plus belles de la décennie, ne prouve qu'une chose : Andy, avec tout le talent du monde, ne peut pas remonter le temps. En partant à 60 kilomètres de l'arrivée au sommet du Galibier, il a montré les muscles et, sans doute le plus important, de l'orgueil. Malheureusement, la cervelle, elle, est restée quelque part, dans les lacets de la montée vers Luz-Ardiden. Trop courte et aussi trop exigeante après trois semaines de course et un numéro en solitaire, l'étape qui mène les coureurs à l'Alpe d'Huez est celle des regrets pour Andy. Les frères luxembourgeois admettront avoir tout tenté, l'effort est vain. Les 57 secondes d'avance à la veille du chrono ne constituent qu'un sursis de courte durée. Ce Tour était probablement le sien, mais Andy a péché une nouvelle fois. Pas par manque de talent, loin de là, mais plutôt par manque d'envie et de rage de vaincre. L'année prochaine, il faudra s'y coller plus tôt.
Fränk Schleck, Léopard-TREK : 6/10
Un Tour paradoxal pour l'ainé des frères Schleck. Dans le dur lors de la dernière étape de montagne, Frank vient d'accrocher son premier podium dans un grand tour. Jamais gagnant, toujours placé, il a, comme son frère, payé son manque d'ambition et de culot, notamment à Luz-Ardiden où, facile comme Contador après un Buffalo Grill, il a collé 20 secondes à Evans en quelques hectomètres. Si Andy, du haut de ses 26 ans, peut une nouvelle fois se dire « ce sera pour l'an prochain », Frank, 31 piges, commence à trouver le temps long. Il pourra se consoler en se disant qu'il n'a pas chuté cette année.
Thomas Voeckler, Europcar 7,5/10
« Aujourd'hui, c'est fini, Voeckler va craquer ». La phrase a raisonné ça et là à travers les milliers de foyers français dont les postes étaient branchés sur France Télévision. Deuxième derrière Sanchez à Saint-Flour, la nouvelle idole tricolore a profité de l'étape la plus mouvementée du Tour pour enfiler le maillot jaune. Une tunique plaisante que le Martiniquais d'adoption ne voudra plus quitter. Résistant dans les Pyrénées, bluffant dans les Alpes, Voeckler a manqué le podium par péché d'orgueil, ou manque de lucidité. Persuadé par la nécessité de rattraper Contador et Schleck entre Modane et l'Alpe d'Huez, le leader d'Europcar crame le peu de forces qu'il lui reste et prend 3'22 dans la face. Des minutes précieuses qui le privent de podium sur les Champs-Elysées. Si personne ne l'attendait à pareille fête, Voeckler à également montré son côté obscure. Mauvais perdant, il a martyrisé bidons d'eau et coéquipiers lors de la 19ème étape, celle de la passation de pouvoir avec les grands, les vrais, et la victoire d'un futur grand, Pierre Rolland, ankylosé par son rôle de coéqupier.
Alberto Contador, Saxobank : 6,5/10
El Pistolero a perdu son bien, mais a gagné le respect de tous. Alors qu'un mois nous sépare désormais du verdict sur les soupçons de dopage qui planent autour de l'Espagnol, le leader de la Saxobank a montré qu'il était un homme comme les autres. Handicapé par une chute et lessivé après sa victoire sur le Giro, Contador est redevenu humain en 2011 lorsque, en souffrance après l'accélération des cadors, «il se gare » dans le Galibier. Humain, Alberto Contador a également prouvé qu'il était un grand champion. Toujours prompt à honorer son surnom, El Pistolero a envoyé des attaques comme il les aime. Orgueilleux, Contador, tenait à mourir dignement. Ce fut chose faite après une journée à l'avant lors de la dernière étape alpestre et d'un excellent chrono. Rendez-vous est pris pour l'année prochaine. S'il est autorisé à prendre le départ.
Samuel Sanchez, Euskatel : 7/10
Ce maillot à pois n'est pas celui d'Anthony Charteau. En pleine forme, Samuel Sanchez a honoré la réputation du grimpeur orange de l'Euskaltel. Seul coureur non-basque autorisé à prendre le départ de la grande boucle avec l'équipe d'Igor Gonzalez de Galdeano, Constamment à l'avant, le grimpeur de poche s'est imposé en costaud à Luz-Ardiden avant de prendre des points partout ailleurs pour être couvert de pois rouge sur les Champs-Elysées. L'an prochain, il devra défendre son titre olympique à Londres. Ce serait con de se faire choper avant.
Pierre Rolland, Europcar : 8/10
Sans conteste la révélation de cette grande boucle. Médiatiquement mis à l'écart par la Voecklermania, Pierre Rolland a été le grand costaud de l'équipe Europcar. Solide dans la montagne, le grimpeur français s'est montré tout aussi costaud au micro des journalistes. Son « j'étais le seul à pouvoir suivre Schleck » au soir de l'arrivée au Galibier en a fait rêver plus d'un. Nombreux sont ceux qui attendent la saison prochaine, Rolland, son vélo, son statut de leader et Voeckler qui lui apporte les bidons.
Thor Hushovd, Garmin : 7,5/10
Les seuls sourires norvégiens du mois de juillet auront été aperçus sur la grande boucle. Pendant que la révélation Edwald Boasson Hagen remportait deux étapes et s'affirmait comme un des grands coureurs de demain, Thor Hushovd lui, a, vécu un tour complètement fou. Excellent sprinteur, l'ancien du Crédit Agricole, en jaune après la victoire de la Garmin lors du chrono par équipe, s'est mué en puncheur pour remporter deux autres étapes. On se souviendra notamment de son succès à Lourdes, où il a donné un leçon de descente et de stratégie à David Moncoutié et Jérémy Roy, qui tentaient de lui mettre à l'envers. Vainqueur à Gap deux jours plus tard, le chasseur norvégien aura été de tous les bons coups. Philippe Gilbert a un client pour le printemps prochain.
Sandy Casar, FDJ : 2/10
La tristesse de l'édition 2010, c'est lui. Toujours à l'avant, jamais gagnant, Sandy, en plus d'avoir la pire dégaine du peloton, a plombé le moral de nombreux téléspectateur. Symbole de ce fiasco, l'arrivée du coureur de la Française des Jeux à Saint-Flour, où après une journée passée à l'avant, il n'a pas assez de force pour disputer le sprint à Luis Léon Sanchez. « Au moins, je suis propre » doit-il se dire. Un sacré lot de consolation.
Swann Borsellino